Quels sont les principaux défis auxquels les entrepreneurs technologiques sont confrontés lorsqu'ils établissent une stratégie patrimoniale ?
La première étape en amont de la stratégie patrimoniale est la gestion de quand et comment réaliser un exit partiel voir complet. Ce choix est difficile, parfois douloureux, dans la mesure où les entrepreneurs sont presque toujours convaincus du potentiel de leur projet.
De plus, dans la technologie, les entrepreneurs sont souvent des self-made man et la création de richesse a généralement été réalisée dans un laps de temps court et de façon exponentielle. Il est donc important de leur faire comprendre que la gestion de la fortune issue de cet exit n’a pas pour vocation d’avoir la même trajectoire de croissance rapide et exponentielle.
En résumé, assumer qu’ils sont maintenant riches et veulent le rester et non plus qu’ils essayent de devenir riches.
Cela suppose de leur enseigner de prendre le temps et le recul nécessaire avant de commencer à dépenser et investir cette richesse et à s'intéresser à des rendements qu’ils trouvent souvent ennuyeux car décorrélés de leur expérience passée. Ils doivent aussi assumer que leur success story est basée sur une idée/concept, une persévérance, des choix réfléchis/mesurés, une équipe, une prise de risque importante… et que cette success story se reproduira rarement lors d’investissements dans des projets de tiers sur base de la lecture rapide d’un simple teaser.
Comment intégrer efficacement la gestion des actifs professionnels et personnels dans une stratégie patrimoniale pour ces acteurs ?
Un entrepreneur technologique à une tendance naturelle à privilégier les investissements technologiques ce qui génère souvent une mauvaise diversification. Il faut donc tenir compte des actifs professionnels et de cette tendance naturelle, pour limiter, ou au moins contrôler, les duplicités d’allocation en terme de risque, d’exposition, de liquidité…
En dehors de la classique gestion des besoins pour leur train de vie, la planification des cash flow et liquidités doit en plus prendre en compte les besoins des actifs professionnels en termes de financement et de gestion de l’endettement.
Il faut aussi assumer que les engagements/commitments des entrepreneurs sont une certitude alors que les encaissements/bénéfices restent eux aléatoires. Les actifs professionnels dépendent souvent de l’entrepreneur lui-même, il est donc également opportun de prévoir des process de backup en cas d’incapacité temporaire ou permanente.
Offrir une large expérience des contraintes ou opportunités multi-juridictionnelles est plus que jamais essentiel - une partie de l’adn de Natafera ?
Il est rare aujourd’hui qu’un entrepreneur technologique soit “mono-pays”, la gestion des problématiques multi-juridictionnelles est donc un élément clé de leur quotidien.
Ils ont de par leur nature des besoins spécifiques qui sont mal adressés par l’industrie classique des multi-family office, en raison d’un manque de compétences et d’outils spécifiques. Les multi-family office sont réticents à développer cette gamme de services en raison de son aspect chronophage et de son impact sur leur rentabilité.
Les entrepreneurs technologiques sont donc souvent forcés d’opter pour la solution single-family office pour répondre à leurs besoins. Cette option à bien évidemment un impact en termes d’investissement en temps et en coûts.
Face à la demande que nous avions d’offrir une réponse à ces besoins, nous avons décidé de créer un concept hybride basé sur les avantages des deux concepts (single et multi family office) sans en reprendre les côtés négatifs, en synthèse un "Multi-Single Family Office". Nous avons tous vécu dans plusieurs pays et avons toujours travaillé à l'international. Nous n’avons donc pas fait ce choix pour des raisons marketing mais suite au constat que l'approche internationale et les thématiques entrepreneuriales, étaient celles pour lesquelles nous avions le plus d’affinité et de valeur ajoutée.
Cela se retrouve dans notre clientèle principalement active professionnellement et résidente, de nationalité ou ayant des intérêts dans plus d’une vingtaine de pays.
Vous êtes également adepte des visions à long terme par opposition aux “spielers”, comment nuancez-vous cette approche selon les classes d’actifs ?
Notre expérience, certains de nous ayant préalablement géré des single family office, est que les visions stratégiques à long terme sont plus profitables que les stratégies tactiques à court ou moyen terme. De fait, très peu de gérants “tactiques” ont des résultats satisfaisants, à l’exception, entre autres, de certains hedge funds qu’ils peut être opportun d’intégrer dans l’allocation d’actifs.
Il faut évidemment tenir compte des évolutions des marchés, par exemple nous ne traitons pas le fixed income aujourd’hui de la même manière qu’il y a quelques années.
Mais il ne faut pas perdre de vue que l’un des grands avantages d’un client fortuné est d’avoir le temps en sa faveur. Une allocation stratégique à long terme permet d’exploiter au mieux ce facteur temps. Au demeurant, les clients aiment contrôler les événements et la stratégie court terme est par essence génératrice de stress, un stress qui est inutile de supporter quand on est riche.
Nous avons pour notre part assumé que nous n’avions pas de boule de cristal pour “timer” les marchés.
A partir de ce constat, pour donner des exemples concrets, nous préférons déployer un portefeuille equities en plusieurs années via des investissements périodiques, déployer rapidement un portefeuille hedge funds, respecter les millésimes et la diversification des stratégies pour le private equity… Nous avons également toujours laissé une place importante pour le cash ou quasi cash dans nos allocations d’actifs (ce qui est plus facile à gérer aujourd’hui qu’il y a quelques temps) cela permet de gérer les imprévus et de profiter des périodes de crise ou simplement de les traverser sans avoir à vendre des positions à un moment inopportun.
Merci à Eric Andres, Partner - Natafera Family Office pour son analyse.