L'intelligence artificielle (IA) transforme de nombreux secteurs, mais son développement exponentiel soulève des préoccupations croissantes quant à son impact environnemental. En particulier, la consommation énergétique des centres de données, essentiels pour alimenter les algorithmes d'IA, devient un enjeu majeur. Alors que les besoins énergétiques devraient doubler d’ici 2030, les entreprises de la tech, dont Google, Microsoft, Meta et Amazon, cherchent des solutions alternatives pour limiter leur empreinte carbone tout en maintenant une puissance de calcul croissante.
Des centres de données gourmands en énergie
Les centres de données sont des infrastructures cruciales pour faire fonctionner les IA, mais ils sont également responsables d'une consommation énergétique considérable. Actuellement, ces centres utilisent environ 1 % de l’électricité mondiale, une part qui ne cesse d'augmenter avec la demande en IA. Une étude du Conseil économique, social et environnemental (CESE) a révélé qu'une seule requête posée à une IA générative, comme ChatGPT, consomme dix fois plus d'énergie qu'une recherche classique sur Google. Avec l'augmentation de l'utilisation de ces technologies, le rapport prévoit que d'ici la fin de la décennie, l'IA et les centres de données pourraient représenter 3 % des émissions mondiales de CO2, soit cinq fois plus qu'en 2020.
Pour répondre à cette problématique, Google a pris une décision inédite : l'entreprise a annoncé avoir commandé six à sept mini-réacteurs nucléaires (SMR) à Kairos Power, une startup californienne spécialisée dans cette technologie. L'objectif n'est pas de concurrencer EDF, mais de garantir une alimentation en électricité décarbonée pour ses centres de données utilisés par ses applications d'IA. Cette initiative, une première mondiale, pourrait en inspirer d'autres. Selon les experts, les besoins en électricité des systèmes d'IA pourraient doubler d'ici 2030, alors que des géants comme Google, Meta, Microsoft et Amazon ont déjà absorbé 29 % des nouveaux contrats d’éolien et de solaire dans le monde en 2023 .
Le nucléaire, une solution controversée mais pragmatique
L'annonce de Google suscite des débats. Le nucléaire, bien que décarboné, reste controversé en raison des risques liés aux déchets radioactifs et à la sécurité. Cependant, il offre une solution pour répondre à la demande croissante en électricité des centres de données sans recourir aux énergies fossiles. En se tournant vers les mini-réacteurs nucléaires, Google espère non seulement stabiliser son approvisionnement énergétique, mais aussi réduire ses émissions de carbone de manière significative.
D’autres entreprises comme Microsoft et Amazon explorent également des partenariats dans le domaine du nucléaire pour alimenter leurs centres de données. Ces initiatives montrent à quel point les entreprises technologiques sont conscientes de leur responsabilité environnementale et cherchent à innover pour minimiser leur empreinte écologique. Cependant, le recours au nucléaire reste une option controversée et devra être encadré par des régulations strictes.
Les limites des énergies renouvelables
Si l'énergie nucléaire est l'une des pistes explorées, c'est en partie parce que les sources d'énergie renouvelable, comme le solaire et l’éolien, ne suffisent pas toujours à couvrir les besoins énergétiques massifs et constants des centres de données. En 2023, Google, Meta, Microsoft et Amazon ont acheté près de 30 % des nouveaux contrats mondiaux d’énergie renouvelable, mais ces investissements ne suffiront pas à eux seuls à alimenter la demande croissante en IA. En effet, les conditions météorologiques peuvent affecter la disponibilité de ces énergies, et les périodes de forte demande dépassent souvent les capacités de production.
Le recours à l'énergie nucléaire par Google est donc une réponse pragmatique aux limites actuelles des énergies renouvelables. Comme l’indique un rapport de NotebookCheck, la dépendance aux sources d’énergie fossile a récemment augmenté dans certaines régions, notamment lorsque les énergies vertes ne suffisent pas à alimenter les centres de données .
Une course à l'efficacité énergétique
Face à cette situation, les entreprises technologiques investissent dans la recherche et le développement de nouvelles solutions pour améliorer l'efficacité énergétique de leurs infrastructures. Une récente percée dans le domaine de l'IA, dévoilée par des scientifiques, pourrait réduire la consommation d'énergie des centres de données jusqu'à 95 %, selon Futura-Sciences. Cette avancée repose sur des algorithmes plus optimisés et des systèmes matériels moins énergivores, offrant une voie prometteuse pour réduire l'empreinte environnementale des entreprises de la tech.
L'efficacité énergétique devient une priorité pour les acteurs du secteur, qui tentent de concilier leurs besoins de croissance avec des impératifs de durabilité. En plus de l'utilisation d'énergies alternatives comme le nucléaire, les entreprises cherchent à maximiser les performances de leurs infrastructures tout en minimisant leur consommation.
Un impact global croissant
L'impact environnemental de l'IA ne se limite pas à la consommation d'électricité. Les technologies d'intelligence artificielle nécessitent également des quantités importantes de matériaux rares, utilisés dans les processeurs spécialisés et autres composants matériels. La production de ces équipements contribue à l'épuisement des ressources naturelles et génère des émissions supplémentaires. De plus, les centres de données produisent une chaleur considérable, nécessitant des systèmes de refroidissement énergivores, ce qui accentue encore leur consommation.
Le CESE a récemment alerté sur ces enjeux lors d’une séance plénière, soulignant l'importance de réguler les activités des entreprises technologiques pour garantir que leur croissance ne se fasse pas au détriment de l'environnement . Selon le CESE, les entreprises devront adopter des pratiques plus responsables, tout en investissant dans des technologies de pointe pour limiter l’impact environnemental des centres de données.
Vers une IA durable
La route vers une IA plus durable semble encore longue, mais les initiatives telles que celles prises par Google avec Kairos Power sont des signaux positifs. En combinant des innovations dans l'efficacité énergétique avec le recours à des sources d'énergie décarbonées, les entreprises peuvent espérer atténuer leur impact environnemental tout en poursuivant leur développement. Néanmoins, des questions éthiques et environnementales subsistent, notamment autour de la gestion des déchets nucléaires et de la sécurité des infrastructures.
L’industrie technologique devra également répondre à des pressions croissantes de la part des régulateurs et des consommateurs, qui attendent des solutions concrètes pour réduire l’empreinte carbone des géants du numérique. À mesure que l'IA se développe, la quête d'une énergie propre et efficace deviendra un enjeu central pour assurer un avenir durable.
Sources :
- CESE, « Quels impacts de l’intelligence artificielle sur l’environnement ? », 15 octobre 2024, disponible sur : https://www.lecese.fr/actualites/quels-impacts-de-lintelligence-artificielle-sur-lenvironnement-seance-pleniere-en-direct
- The Guardian, « Google va utiliser du nucléaire pour alimenter ses centres de données », 15 octobre 2024, disponible sur : https://www.theguardian.com/technology/2024/oct/15/google-buy-nuclear-power-ai-datacentres-kairos-power
- NotebookCheck, « L’augmentation de la demande en IA oblige les entreprises technologiques à renoncer à utiliser les sources d’énergie les plus écologiques pour alimenter les centres de données », 15 octobre 2024, disponible sur : https://www.notebookcheck.biz/L-augmentation-de-la-demande-en-IA-oblige-les-entreprises-technologiques-a-renoncer-a-utiliser-les-sources-d-energie-les-plus-ecologiques-pour-alimenter-les-centres-de-donnees.901868.0.html
- Futura-Sciences, « Scientifiques dévoilent percée énergétique IA : 95 % d'économies », 12 octobre 2024, disponible sur : https://www.futura-sciences.com/tech/actualites/technologie-scientifiques-devoilent-percee-energetique-ia-95-economies-116738/