Selon l'étude annuelle de l'ABBL sur le marché bancaire, les comptes à terme ont connu une nette hausse et, à partir du début 2023, les demandes de crédit se sont réduites. La tendance à recourir à des solutions digitales se confirme également. Penchons nous donc sur les résultats de cette étude.
Une transformation de la conjoncture caractérisée par une hausse des taux d'intérêt
En 2022, alors que la hausse des taux d'intérêt avait un impact considérable, les banques de détail luxembourgeoises ont pu accompagner leurs clients en s'adaptant à leurs comportements. L’étude de l'ABBL sur le marché de la banque de détail a montré un retour en grâce du compte à terme et, à partir de 2023, une baisse des demandes de crédits. Il y a également eu un déploiement des solutions digitales. Les événements les plus marquants de l'année 2022 ont été la guerre en Ukraine et la pression sur les sources d'approvisionnement, qui a entraîné une hausse de l'inflation. La Banque Centrale Européenne (BCE) a répliqué par un palier successif d'augmentation des taux d'intérêt.
Michael Burch, le Président du Retail Banking Cluster de l'ABBL et CEO d'ING Luxembourg, a déclaré que ce sont les taux directeurs de la BCE qui ont déterminé les augmentations et non les banques. Claude Hirtzig, Vice-Président du Retail Banking Cluster et Head of Department Retail & Professional Banking de la Spuerkeess, a également ajouté que, même si cela prendra du temps, nous sommes en train de retourner à une situation plus proche de la normale.
Une renaissance d'intérêt pour les placements à long terme en cours.
Malgré un marché globalement stable - les dépôts dans les livres des banques de détail luxembourgeoises ont augmenté légèrement de 1% - les plus grandes mutations comportementales des clients se réfèrent à une reprise de l'intérêt pour les comptes à terme et une baisse de la demande de crédit. Ces comptes à terme ont connu une hausse de 300%, due à la popularité de produits peu risqués, dans ce contexte de hausse des taux. Selon Claude Hirtzig, "globalement, on observe que les clients locaux sont très conservateurs, avec les comptes courants, comptes épargne et comptes à terme qui représentent 86% des dépôts". Michael Burch a ensuite affirmé : "cela contraste avec les comportements des épargnants dans d'autres régions où les clients investissent plus leurs capitaux. Cela peut être intéressant à considérer alors que les entreprises européennes ont besoin d'investissements considérables pour réussir leur transformation digitale et durable et que nous voulons renforcer l'autonomie stratégique européenne". La réalité est que l'économie luxembourgeoise, ainsi que l'économie européenne, sont toujours principalement financées par le crédit et non par des investissements.
Une diminution de la demande de crédits depuis le début de l'année 2023
En 2022, l'activité crédit a connu une croissance de 5% en volume. La baisse de la demande de crédits et, plus particulièrement, des crédits immobiliers, qui avait commencé au troisième trimestre de 2022, s'est accentuée au début de 2023. "Il est évident que, dans un climat d'incertitude et face à la hausse des taux d'intérêt, beaucoup de ménages remettent leurs projets d'investissement à plus tard", a déclaré Claude Hirtzig. "Chaque banquier veut faire des prêts. Mais personne ne veut mettre ses clients dans une situation où ils ne pourraient pas rembourser", a ajouté Michael Burch. Par conséquent, les demandes de crédits ont baissé au premier trimestre 2023, ce qui s'est traduit par une baisse de 38% en volume et de 26% en nombre de crédits par rapport au premier trimestre 2022 (source BCL). Selon Claude Hirtzig, "nous devons également constater que nous rencontrons des cas où des clients ne satisfont pas aux exigences légales imposées aux banques pour octroyer un prêt". Nous rappelons qu'en 2020, le Comité du Risque Systémique a invité la CSSF à établir des limites pour le rapport Loan-to-Value (LTV). Des apports minimums en fonds propres ont ainsi été fixés pour certains types de prêts hypothécaires. "Et d'autres, qui en raison de la hausse des taux d'intérêt et donc des mensualités de remboursement, ne répondent plus aux critères de capacité de remboursement pour obtenir un prêt."
Un basculement vers l'utilisation croissante de solutions numériques.
Ananda Kautz, Head of Payments, InnovaDon et Digital de l'ABBL, souligne que "le COVID a accéléré le processus de digitalisation des services bancaires et des paiements, et que le Luxembourg se situe parmi les plus avancés en Europe en matière d'adoption de solutions innovantes". L'ABBL constate également que le nombre de retraits d'espèces et de transferts d'argent réalisés en agence a considérablement diminué en 2022 comparé à 2019. Selon l'étude SPACE1, les cartes sont le mode de paiement préféré des résidents pour les achats en magasin (52%, au-delà de la moyenne européenne de 34%). Les paiements sans contact ont connu une croissance significative, avec 69% des résidents luxembourgeois qui l'utilisent pour les achats par carte. L'argent liquide reste le principal moyen de paiement entre particuliers, mais le Luxembourg est le troisième pays en Europe pour les paiements P2P effectués via des applications mobiles (25%). Pour les Instant Payments, les résidents luxembourgeois sont parmi les plus actifs en Europe. Michael Burch ajoute que, si les banques investissent continuellement dans des solutions plus sécurisées et à expérience client de haut niveau, le Grand-Duché est bien mieux desservi que ses pays voisins, avec 34 agences et 80 ATM par 100.000 habitants (chiffres 2021 ABBL, associaDons bancaires et banques centrales nationales). Enfin, l'emploi dans le secteur bancaire de détail, et notamment au niveau des agences, est resté stable.
Les valeurs ESG clefs pour l’avenir
Dans le secteur financier, les changements sont constants. Parmi les innovations susceptibles d'influencer les pratiques des clients bancaires, l'ABBL a choisi de mettre l'accent sur les aspects Environnement, Social et Gouvernance (ESG). Ces nouveaux défis sont aussi une occasion pour le secteur de profiter de nouvelles possibilités. Selon Claude Hirtzig, « L'ESG est une excellente opportunité pour les banques de discuter avec leurs clients particuliers et professionnels et de leur offrir des solutions pour leurs objectifs de durabilité ». D'ici août 2022, les banques devront tenir compte des préférences de leur clientèle en matière de durabilité dans le cadre de la directive MIFID II. De plus, l'ABBL note que le cadre réglementaire encore incomplèt relativement à la finance durable est en train de se solidifier et s'étendre, ce qui permettra aux établissements bancaires de mieux développer leurs offres. Michael Burch a aussi souligné que “tous les acteurs doivent encore faire des efforts importants pour l'éducation. Souvent, on réduit le paysage économique aux entreprises qui sont soit vertes, soit brunes. Or, la majorité des entreprises sont entre les deux et ont besoin de financement pour effectuer leur transformation”.
Finalement, l'ABBL a mis en avant un dernier défi en matière de durabilité : les particuliers et les entreprises devront respecter les normes énergétiques imposées par les autorités publiques. Cela implique ainsi le développement de crédit verts.
Références :
- Communiqué de presse du 13 juillet 2023 de l’ABBL : « La banque de détail en 2022 marquée par la hausse de taux d'intérêt et la confirmation du recours aux solutions digitales »