Alors que la Chine fait face à un ralentissement économique marqué et à un endettement massif, certains analystes s’interrogent : le pays pourrait-il suivre la trajectoire du Japon des années 1990, marqué par une déflation prolongée et une stagnation économique ? Patrick Zweifel, Chief Economist chez Pictet Asset Management, offre une analyse détaillée qui tend à écarter cette hypothèse.
Une dette colossale, mais des dynamiques différentes
L’essor économique chinois depuis la fin des années 1970 s’est accompagné d’une augmentation significative de la dette. Depuis 2008, le ratio de dette par rapport au PIB a plus que doublé, atteignant 280 % en 2024. Ce phénomène rappelle la situation japonaise des années 1980, lorsque l’endettement privé avait atteint des niveaux critiques avant de déclencher une longue période de déflation et de croissance anémique.
Cependant, plusieurs différences fondamentales distinguent la Chine d’aujourd’hui du Japon d’alors. L’une des plus marquantes réside dans la valorisation du marché immobilier. Alors que la bulle immobilière japonaise avait atteint un pic à 450 % du PIB en 1990, la Chine, bien qu’ayant connu une surchauffe, reste loin de ces niveaux extrêmes avec une valeur immobilière estimée à 265 % du PIB en 2024.
Fig. 1 – Emprunts temporaires
Dette chinoise par segment économique, % du PIB
Source: CEIC, REfinitiv, Pictet Asset Management. Données couvrant la période allant du 01.01.2006 au 01.01.2024.
Fig. 2 – Explosion de la bulle immobilière
Valeur de l’immobilier résidentiel, % du PIB
Source: Pictet Asset Management, CEIC, Refinitiv, CS Global Wealth Databook, enquête nationale sur les revenus et les dépenses des ménages. Données couvrant la période allant du 01.01.1989 au 01.01.2025.
Une gestion de crise contrastée
Trois canaux expliquent généralement pourquoi un excès d’endettement peut mener à une déflation persistante :
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Le canal financier : des ventes d’actifs forcées pour rembourser la dette.
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Le canal monétaire : une baisse de la liquidité, avec une population préférant thésauriser.
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Le canal du crédit : une fragilisation des bilans bancaires qui limite la distribution de crédits.
Le Japon a subi de plein fouet ces mécanismes, accentués par une politique monétaire trop restrictive. À l’inverse, la Chine adopte une stratégie plus interventionniste avec des mesures de relance monétaire et budgétaire. La Banque populaire de Chine veille notamment à maintenir des taux d’intérêt réels inférieurs à la croissance économique, limitant ainsi l’impact du surendettement.
Le rôle de la monnaie et du commerce extérieur
Un autre facteur clé qui distingue les deux pays est la politique de change. Le Japon a connu une appréciation constante du yen après les accords du Plaza de 1985, ce qui a pesé lourdement sur son économie exportatrice. À l’inverse, le renminbi reste relativement faible, ce qui préserve la compétitivité des produits chinois sur le marché mondial, malgré les tensions commerciales.
Quel avenir pour l’économie chinoise ?
Selon Pictet Asset Management, le scénario d’une "japonisation" de l’économie chinoise reste peu probable. Certes, le pays doit gérer un rééquilibrage délicat après des années de forte croissance et d’endettement accru, mais les mesures politiques mises en place devraient permettre d’éviter une décennie de stagnation. Pékin s’apprête d’ailleurs à annoncer un nouveau plan de relance en mars, visant à soutenir la croissance et à stabiliser les secteurs les plus vulnérables.
L’économie chinoise représentait 63 % de celle des États-Unis en 2024. Selon les projections, ce ratio pourrait atteindre 73 % d’ici 2030, preuve que malgré les turbulences actuelles, la Chine demeure un acteur incontournable de l’économie mondiale.
En conclusion, la Chine doit relever des défis majeurs, mais ses perspectives restent nettement plus dynamiques que celles du Japon des années 1990. La gestion proactive du gouvernement et les différences structurelles entre les deux économies permettent d’écarter le scénario d’une stagnation prolongée.
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