Une avalanche de faillites
L'année 2024 a marqué un début particulièrement difficile pour l'économie luxembourgeoise, avec une série alarmante de faillites qui ont frappé de plein fouet le secteur de la construction, traditionnellement considéré comme un pilier de stabilité. Plus de 300 entreprises ont déjà dû fermer leurs portes, dont près de 200 rien qu'au cours des deux premiers mois de l'année, selon les données du Registre des faillites et du Registre du commerce et des sociétés publiées sur le site web du ministère de la Justice. Cette vague de faillites a entraîné la perte d'emplois pour des centaines de travailleurs, majoritairement portugais, dans des entreprises telles que Carvalho Constructions, Carte Blanche et RC Services. Ces cas soulignent non seulement la vulnérabilité du secteur mais aussi l'impact humain direct de ces fermetures, avec des répercussions profondes sur les familles et les communautés locales. En février, l'annonce des faillites de Toitures Martino et Cenaro Group, affectant une centaine d'employés, vient aggraver un tableau déjà sombre. Ces événements sont symptomatiques d'une crise plus large qui touche l'économie du Luxembourg, mettant en lumière les défis auxquels le secteur de la construction est confronté dans un environnement économique de plus en plus difficile.
Les prêts hypothécaires : un accès restreint
Le secteur bancaire luxembourgeois a resserré les conditions d'accès au crédit immobilier, contribuant ainsi à la crise du logement. Avec un taux de rejet de quatre demandes de prêt hypothécaire sur cinq, comme l'indique Jean-Paul Scheuren, président de la Chambre immobilière, les acheteurs potentiels se retrouvent dans une impasse. Ce resserrement du crédit, attribué aux taux d'intérêt élevés, a non seulement freiné les ambitions des futurs propriétaires mais a également ralenti l'activité dans le secteur immobilier, déjà en difficulté. La réduction drastique des transactions immobilières est une conséquence directe de cette politique, avec une chute significative des ventes d'appartements, de maisons et de terrains à bâtir, comme le montrent les dernières données de l'Observatoire de l'habitat. Ce contexte a également un impact sur le moral des investisseurs et des constructeurs, réduisant la demande de nouveaux projets de construction et exacerbant le cycle de ralentissement du marché. Les banques, interrogées par le Luxembourg Times, restent évasives sur leurs taux de refus, bien que Raiffeisen admette que la demande de crédits a baissé en raison de "circonstances extérieures". Cette situation est illustrée par le fait que le nombre de ventes immobilières enregistrées au cours du troisième trimestre de l'année dernière était le plus bas depuis 2007, soulignant l'ampleur du problème.
Les conséquences d'une politique gouvernementale controversée
Les décisions politiques récentes ont également joué un rôle dans l'exacerbation de la crise de la construction au Luxembourg. L'augmentation des jours de vacances et les hausses successives des salaires décrétées quatre fois en 2023 par l'ancien gouvernement ont engendré une pression financière supplémentaire sur les entreprises de construction. Ces mesures, bien qu'elles aient été conçues pour améliorer les conditions de travail et augmenter le pouvoir d'achat des salariés, ont eu l'effet pervers d'augmenter significativement les coûts opérationnels des entreprises dans un secteur déjà en difficulté.Nombre d'avis de professionnels du secteur sur LinkedIn mettent en lumière cette dynamique, soulignant comment l'augmentation des coûts de crédit, couplée à ces politiques gouvernementales, a placé les entreprises de construction "dans le pétrin". Ce contexte économique difficile, marqué par une inflation des coûts et un accès restreint au financement, met en péril la viabilité à long terme de nombreuses entreprises, accentuant les risques de faillite et contribuant à une instabilité sectorielle croissante. La politique monétaire de la BCE, souvent qualifiée de désastreuse et à contre-temps, n’est pas en reste, quand elle n’est pas stigmatisée comme principale coupable, notamment par les gérants d’actifs.
Un secteur en crise
Le gouvernement luxembourgeois a certes reconnu l'ampleur de la crise affectant le secteur de la construction, comme en témoigne le nombre record de demandes de chômage partiel. En effet, le secrétariat du Comité de conjoncture a reçu 85 demandes de chômage partiel émanant de 47 sociétés pour les mois de février et mars 2024, illustrant la gravité de la situation. Le ministre du Travail, Georges Mischo, a mis en évidence une augmentation substantielle du nombre de demandeurs d'emploi dans le secteur immobilier, avec une hausse de 54% entre décembre 2022 et décembre 2023. Cette tendance est encore plus prononcée dans le secteur de la construction, où le nombre de demandeurs d'emploi a grimpé de 33,8% sur la même période. Ces chiffres alarmants reflètent non seulement les défis immédiats auxquels sont confrontés les travailleurs et les entreprises du secteur, mais aussi les répercussions à plus long terme sur l'économie luxembourgeoise dans son ensemble.
Vers un avenir plus clair ?
Malgré le tableau sombre actuel, il existe des signes d'optimisme pour le secteur de l'immobilier au Luxembourg. Les anticipations d'une baisse des taux d'intérêt, couplées à l'introduction de nouvelles mesures gouvernementales visant à stimuler l'activité sur le marché du logement, pourraient marquer le début d'une reprise. Ces initiatives sont cruciales pour soutenir le secteur de la construction, qui a été particulièrement touché par la vague de faillites. Jean-Paul Scheuren exprime un optimisme prudent, soulignant que la combinaison d'une politique favorable et d'une amélioration des conditions de financement pourrait revitaliser le marché. L'objectif est de construire environ 6.000 nouveaux logements chaque année pour répondre à la croissance démographique du pays, un défi de taille étant donné que les prix des logements ont plus que doublé au cours de la dernière décennie. La situation actuelle exige une action concertée et des politiques innovantes pour surmonter les obstacles existants et favoriser un environnement propice au développement durable du secteur immobilier luxembourgeois.
La situation du marché de l'immobilier au Luxembourg est donc le résultat d'une convergence de facteurs économiques adverses, de décisions politiques contestées et d'une dynamique de marché difficile. Face à cette tempête parfaite, le secteur de la construction et le marché immobilier dans son ensemble sont confrontés à des défis sans précédent. La réponse du gouvernement, alliant soutien ciblé et politiques de relance, sera déterminante pour la reprise et la stabilisation du marché. Il est impératif d'adopter une approche holistique qui tienne compte des besoins des entreprises, des travailleurs et des acheteurs de logements, afin d'assurer un avenir prospère pour l'immobilier au Luxembourg. Avec une stratégie bien pensée et une action résolue, il est possible de transformer cette crise en une opportunité de réforme et de croissance durable.