Dans un contexte financier dynamique caractérisé par une abondance de liquidités et une volatilité croissante, la pratique de l'investissement se complexifie davantage. François Mollat du Jourdin, Président fondateur de MJ & Cie nous offre son expertise pour décrypter les tendances et relever les défis et saisir les opportunités qui façonnent actuellement le paysage de l'investissement privé.
Les volumes de dry powder ont encore bondi pour atteindre 4 trillions de dollars selon Blackrock, dont 60% pour le private equity. Déployer du capital devient de plus en plus compliqué ?
FMDJ: plus que jamais, il convient d’être sélectif, c’est une évidence, mais dans une conjoncture tellement incertaine, tant sur les plans géopolitique qu’économique, et devant de telles montagnes de liquidités, il est certain qu’il y aura beaucoup de bêtises réalisées. Le bon sens doit présider aux décisions d’investissement :lisibilité, étalement des millésimes, qualité des équipes et track record, diversification(géographique, par typologie de stratégie – VC, LBO, retournement…etc ). A l’heure ou le cash peut à nouveau générer du rendement, l’urgence est également moindre d’investir a tout prix !
Il y a deux ans vous alertiez dans Le Temps sur la démocratisation trop rapide du private equity face aux particularités de cette classe d’actif, mais aussi ses valorisations. MJ & Cie demeure néanmoins un family office très familier de ce type d’investissement, avec quelle analyse sur sa pertinence aujourd’hui ?
FMDJ: les actifs privés sont plus pertinents que jamais ! Mais ils présentent des risques et des caractéristiques qui peuvent ne pas convenir à tous les types de patrimoines. L’illiquidité en est une, majeure, que les investisseurs ne saisissent pas toujours pleinement. Mais aussi le risque de perte. Nous sommes entrés en zone de turbulence, les taux de défaut augmentent, que ce soit dans le private equity, la dette privée ou l’immobilier, et l’engouement un peu aveugle dans lequel se sont engouffrés de nombreux épargnants sensibles aux sirènes de certains professionnels laissant miroiter des rendements alléchants risque de retomber… douloureusement !
2024 semble être une année dédiée aux infrastructures et à la dette privée…
FMDJ: nous préconisons toujours d’étaler les millésimes, de diversifier les stratégies et les classes d’actifs. La dette privée connait un succès indéniable depuis plusieurs années. Grâce à la désintermédiation, les entreprises ont aujourd’hui de nombreuses autres alternatives que les banques pour se financer, le marché de la dette privée s’est beaucoup développé, et l’offre s’est structurée. Au-delà d’un intérêt conjoncturel, c’est donc une classe d’actif qui fait maintenant partie du paysage de l’investissement de façon pérenne. Quant aux infrastructures, c’est une classe d’actif que l’on devrait avoir de façon systématique dans son allocation sur le long terme.
…Et un retour du PERE ?
FMDJ: l’offre immobilière s’est effectivement beaucoup développée, internationalisée et professionnalisée depuis une quinzaine d’année et le PERE est définitivement un moyen d’accéder à cette classe d’actifs, éminemment complexe et technique, au travers de véhicules et d’équipes de haut niveau. Avec tous les risques inhérents cependant aux actifs privés, une fois encore !
Sur l’évolution des investissements directs par rapport aux fonds, comment prioriser ou équilibrer les choix - une question de sensibilité principalement?
FMDJ: les investissements directs nécessitent des compétences et des ressources importantes qu’on ne peut ignorer. Bien sûr, la sensibilité et les moyens dont disposent les investisseurs détermineront en partie leur décision en la matière, mais beaucoup de fonds proposent aussi du co-investissement, qui permet de répondre à ce souhait. Tout comme les club deals.
Cela demande également des compétences particulières au sein d’un family office… Ou bien de faire partie d’un réseau d’experts ?
FMDJ: comme je l’indiquais, pour faire de l’investissement direct, il faut des ressources que peu de family offices possèdent. Il faut donc rester lucide sur ses capacités et ne pas hésiter à chercher à l’extérieur les ressources dont on ne dispose pas en interne. Les réseaux sont donc essentiels, tant pour le sourcing que pour l’analyse des investissements.
Vous avez rejoint l’alliance 3B en janvier, un engagement dans la lignée du lancement de NSC Advisor en Suisse ?
FMDJ: oui, ces deux projets, NSC Advisor sur l’international, 3B pour la France, nous permettent d’élargir le panel des possibles vis-à-vis des entrepreneurs et familles entrepreneuriales. Dans les deux cas, ces projets sont fidèles à l’ADN de MJ & Cie : proposer une expertise de haut niveau dans le respect de l’alignement d’intérêt avec le client et dans une totale transparence. Ces critères sont au cœur d’une proposition réellement différenciante par rapport à ce que propose le marché : soit des offres compartimentées, soit des offres liées au sein d’un même groupe.
Aujourd’hui, le groupe MJ & Cie, fidèle à sa culture, continue d’innover, comme il l’avait fait en 2001 en créant la première offre de family office indépendant en Europe !