Longtemps éclipsées par les Large Caps, les Small Caps traversent une période de sous-performance sans précédent. Pourtant, elles conservent un rôle clé pour dynamiser et diversifier les portefeuilles multi-actifs. Aymeric Lang, Gérant - Président du Directoire chez Erasmus Gestion, société de gestion indépendante, explore leurs avantages uniques, leur potentiel de rebond et les tendances émergentes qui pourraient transformer leur rôle dans les approches d’investissement modernes.
.Comment Erasmus Gestion voit-elle l'évolution des Small Caps en termes de diversification et de gestion des risques ?
Les Small Caps viennent de traverser une période inédite, tant par sa durée que par l’intensité de leur sous-performance par rapport aux Large Caps. Elles enregistrent une quatrième année consécutive de retard, avec une sous-performance cumulée de près de 40 % sur cette période. Une situation sans précédent sur une période aussi longue. Cela est d’autant plus frappant que les fondamentaux ont globalement bien résisté, avec des performances opérationnelles similaires.
En d’autres termes, cette sous-performance s’explique entièrement par une baisse des multiples de valorisation.
Cela masque deux points essentiels qui justifient l’intérêt de cette classe d’actifs dans une allocation :
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Elles surperforment dans la durée : cela se vérifie assez clairement. À travers le temps et les géographies, les Small Caps surperforment les Large Caps sur la durée, de l’ordre de 2 % par an. Pourquoi ? Parce qu’en moyenne, leurs bénéfices progressent 2 % plus vite. Elles sont souvent plus jeunes dans leurs phases de croissance, positionnées sur des marchés de niche attractifs et plus flexibles que leurs aînées.
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Elles offrent de la décorrélation : pour minimiser le risque sans sacrifier le rendement, une bonne allocation se construit avec des briques capables d’offrir de la performance tout en étant faiblement corrélées entre elles. C’est exactement ce que proposent les Small Caps, avec une corrélation limitée avec les grandes capitalisations (environ 0,7).
Avec la disparition de la prime de valorisation face aux Large Caps, les flux de capitaux vers les Small Caps évoluent-ils, et quels types d’investisseurs s’intéressent aujourd’hui à ce segment ?
La principale raison du "de-rating", c’est-à-dire de la baisse des multiples de valorisation, réside dans une fuite massive de capitaux de cette classe d’actifs. Depuis 2018, près de 35 % des actifs ont été décollectés, rendant difficile toute progression des cours, surtout dans un contexte de faible liquidité. C’est ainsi que la prime de 20 % des Small Caps par rapport aux Large Caps s’est transformée en une décote de 20 %.
Cependant, cette tendance semble s’inverser. L’année 2024 pourrait marquer une collecte nette positive. Par ailleurs, les investisseurs institutionnels, qui avaient largement délaissé cette classe d’actifs, montrent un regain d’intérêt, d’autant plus que les grandes capitalisations atteignent des sommets historiques. La liquidité, qui avait accentué la baisse dans un contexte de décollecte, pourrait au contraire accélérer la reprise si une dynamique positive se met en place.
La structure souvent familiale ou indépendante des Small Caps constitue-t-elle un avantage concurrentiel ou un frein pour séduire les investisseurs institutionnels ?
Il est indéniable que l’alignement des intérêts entre les actionnaires de référence, les dirigeants et les minoritaires favorise la performance boursière. Historiquement, les indices regroupant des entreprises familiales surperforment leurs homologues. Cette structure permet de privilégier des décisions stratégiques à long terme plutôt que de chercher uniquement à maximiser les bonus annuels des dirigeants.
Cependant, cela peut poser des problèmes en matière de liquidité. La présence d’une famille au capital réduit le flottant disponible, diminuant ainsi la liquidité des titres, ce qui peut dissuader certains investisseurs institutionnels en quête de flexibilité.
C’est là tout l’intérêt d’investir via des OPCVM, qui offrent une diversification à plusieurs niveaux : secteurs, géographie, bien sûr, mais aussi types d’actionnariat et profils de liquidité.
Quels secteurs émergents, comme la transition énergétique ou les technologies de niche, semblent prometteurs parmi les Small Caps européennes ?
Quelques grandes tendances se dégagent :
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Digitalisation et décarbonation : notre monde sera de plus en plus digitalisé, et de nombreuses petites valeurs de grande qualité sont exposées à cette thématique. Par exemple, Sidetrade, société française qui propose des services digitalisés pour optimiser le besoin en fonds de roulement, ou encore Qt Group en Finlande, spécialisée dans le design d’interfaces utilisateurs.
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Efficacité énergétique : dans le contexte de réduction de l’empreinte carbone, des acteurs comme Sto SE en Allemagne (spécialiste de l’isolation par l’extérieur) ou Recticel (solutions d’isolation en polyuréthane) se distinguent.
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Loisirs : les bouleversements sanitaires ont boosté ce secteur. Des acteurs comme Einhell (outillage pour le jardinage) ou Voyageurs du Monde (voyages sur mesure) tirent parti de cette dynamique.
Dans un contexte de stabilisation des taux d’intérêt, comment Erasmus Gestion adapte-t-elle son approche pour maximiser le potentiel de rendement des Small Caps ?
Erasmus Small Cap Europe affiche une performance annualisée proche de 10 % depuis sa création en 2013, au-delà de son indice de référence. L’approche repose sur une sélection de titres de grande qualité (ROCE moyen supérieur à 20 %, ratio dette nette/EBITDA inférieur à 0), une valorisation attractive et un momentum positif.
Malgré la sous-performance récente liée à une absence dans certains secteurs comme les banques ou l’immobilier, le portefeuille se traite aujourd’hui à moins de 10 fois le résultat opérationnel, avec un ROCE moyen de 20 % et des perspectives de croissance à deux chiffres. Erasmus Gestion espère un rebond significatif pour les Small & Mid Caps.