Dans un monde en pleine mutation technologique, les institutions financières font face à un défi de taille : concilier digitalisation et humanisation. La révolution numérique transforme les métiers, les interactions et les processus, mais comment s’assurer que cette transformation reste centrée sur l’humain ?
Lors du Future of Wealth Forum, un panel d’experts, modéré par Pierre Bosio, Deputy CEO - Chief Operating Officer d’Amundi, a exploré cette question essentielle. Zineb Bensaid, entrepreneuse et bénévole pour le réseau Women in tech global en tant que directrice pour le Luxembourg et la Belgique. Riadh Khodri, Chief of Staff du groupe Pictet Luxembourg, et Souleymane-Jean Galadima, cofondateur de Sapians, ont partagé leurs expériences et perspectives sur trois thématiques majeures : le rôle du leadership dans la gestion du changement, la montée en compétences et l’apprentissage continu, ainsi que l’importance de la collaboration et de la culture d’entreprise.
Le leadership face à la transformation digitale
Dans une entreprise comme Pictet, forte de de 220 ans d’histoire et de 800 collaborateurs à Luxembourg, l’importance du leadership est déterminant pour accompagner la transformation numérique. Riadh Khodri insiste sur le rôle clé du leadership dans la mise en place de nouvelles technologies, soulignant que leur adoption ne peut réussir sans un engagement fort du management.
« La clé réside dans l’adhésion des équipes dirigeantes. Une fois que nous avons identifié une technologie pertinente, nous avons la capacité d’avancer rapidement dans son déploiement. La mise en place de notre IA générative en est un bon exemple », explique-t-il. Chez Pictet, la transition numérique ne se fait pas au détriment des valeurs humaines, mais en plaçant l’humain au centre du processus, garantissant ainsi une adoption réussie.
Dans un cadre plus entrepreneurial, Zineb Bensaid partage une autre vision du leadership. En tant que country director pour Women in Tech global, elle œuvre pour intégrer plus de diversité et de mixité dans le secteur technologique. « L’accompagnement au changement passe par la mise en place de rôles modèles et de mentorat. Les entreprises doivent encourager une culture de l’adaptabilité et de la formation continue pour s’assurer que personne ne soit laissé de côté. », insiste-t-elle.
Monter en compétences pour accompagner le changement
L’adoption de nouvelles technologies implique un apprentissage constant. Dans un environnement en perpétuelle évolution, l’acquisition de nouvelles compétences techniques et comportementales devient une priorité.
Souleymane-Jean Galadima illustre cet enjeu avec l’exemple de Sapians, le premier family-office augmenté, conçu par iVesta et Mata Capital, qui a intégré la technologie dès sa création. « Nous avons développé un assistant patrimonial basé sur l’IA, permettant d’optimiser l’interaction avec nos clients. Cet outil n’a pas vocation à remplacer l’humain, mais à lui fournir des informations structurées pour une prise de décision plus éclairée », explique-t-il.
Dans un grand groupe comme Pictet, l’acquisition de nouvelles compétences se fait de manière stratégique, mais pas sans originalité. . « Certaines équipes ont adopté un système de formation basé sur une approche ludique , rendant l’apprentissage de système de programmation ou de langage comme Python plus engageant. Ceci permet de faciliter la montée en force de compétences», ajoute Riadh Khodri.
Zineb Bensaid insiste également sur l’importance de combiner hard skills et soft skills. « L’adaptabilité et la curiosité sont essentielles. Dans nos programmes de mentoring chez Women in Tech, nous encourageons les femmes à surmonter les barrières psychologiques qui peuvent freiner leur accès aux métiers technologiques. Il est également important de mettre en avant les avantages et gain de temps que peut représenter la digitalisation d’une tâche, d’un procédé pour un employé pour enlever cette idée préconçue que la « machine » va remplacer l’homme, que la digitalisation va lui permettre de plus ce concentrer sur l’humain (clients, collègues...) », souligne-t-elle.
La collaboration au service de l’innovation
La réussite d’une transformation digitale repose sur la capacité des équipes à collaborer efficacement. Pourtant, faire cohabiter des profils techniques et des experts financiers reste un défi.
Chez Pictet, la mise en place de « focus groups » qui comptent des collaborateurs de différentes divisions permet aussi d’échanger sur l’adoption de nouvelles technologies. « Nous avons constaté que l’utilisation de l’IA générative dans ces groupes de travail améliorait la productivité et la collaboration, en facilitant l’accès à des concepts pertinents et en accélérant le processus de prise de décision », explique-t-il.
Dans l’univers des family offices, Souleymane-Jean Galadima souligne l’importance de la synergie entre les experts financiers et les développeurs. « Nous avons mis en place un data lake centralisé, permettant aux différents métiers d’accéder à l’information en fonction de leurs besoins. Cette structuration des données garantit un gain de temps considérable et une prise de décision optimisée », affirme-t-il.
Zineb Bensaid évoque également l’importance des échanges intergénérationnels dans les entreprises. « Les jeunes collaborateurs apportent une nouvelle vision des outils numériques, tandis que les profils plus expérimentés assurent une approche stratégique et une gestion des risques plus maîtrisée. La complémentarité des compétences est un facteur clé du succès », insiste-t-elle.
Conclusion : un équilibre entre digital et humain
Loin d’être une opposition, la digitalisation et l’humain doivent être pensés comme des éléments complémentaires. Si les technologies transforment les métiers et les processus, leur adoption réussie repose avant tout sur des leaders visionnaires, des équipes formées et une collaboration efficace.
Comme l’a résumé Souleymane-Jean Galadima en conclusion du panel : « L’innovation digitale est une évidence, mais elle doit être maîtrisée avec discernement. Il ne s’agit pas de tout automatiser, mais d’utiliser la technologie pour renforcer l’efficacité et la qualité du service humain. »
Alors que les institutions financières poursuivent leur transition digitale, celles qui sauront conjuguer avancées technologiques et valeurs humaines seront celles qui tireront le meilleur parti de cette révolution.