L’industrie européenne de la gestion d’actifs continue de croître de manière impressionnante, confirmant son rôle stratégique dans l’économie. Selon le dernier rapport de l’Association Européenne de la Gestion d’Actifs et de Fonds (EFAMA), les actifs sous gestion (AuM) atteindront un niveau record de 33 000 milliards d’euros d’ici la fin 2024. Cette performance est soutenue par la montée en puissance des investissements de détail, le dynamisme des stratégies passives et l’importance des gestionnaires dans le financement des entreprises européennes.
Une croissance record malgré les défis
En 2023, les actifs sous gestion en Europe ont progressé de 8,3 %, atteignant 32,7 trillions d’euros à la fin septembre 2024. Cette croissance a été portée par des marchés financiers solides et une revalorisation des actions et obligations. Ce dynamisme illustre la capacité d’adaptation du secteur face à un environnement économique en mutation constante.
L’activité reste cependant concentrée : six pays – Royaume-Uni, France, Suisse, Allemagne, Pays-Bas, et Italie – représentent près de 85 % des actifs sous gestion en Europe. La France, avec 16 % de part de marché, confirme sa position clé grâce à ses fonds diversifiés et ses mandats, qui totalisaient 4 842 milliards d’euros fin 2023.
Un rôle essentiel dans le financement européen
Les gestionnaires d’actifs détiennent une part importante des instruments financiers européens. En 2023, ils géraient 6 600 milliards d’euros de titres de créance émis dans l’UE et 3 000 milliards d’euros d’actions cotées, représentant respectivement 28 % et 27 % de ces classes d’actifs. Cette implication souligne leur rôle crucial dans le soutien aux entreprises et aux gouvernements européens.
Pourtant, cette contribution s’accompagne de défis structurels. Bernard Delbecque, directeur principal de l’EFAMA, avertit :
« La baisse des marges bénéficiaires opérationnelles est préoccupante, car l’Europe a besoin de gestionnaires d’actifs compétitifs pour garantir un financement stable et à long terme. »
Retail et ETF : les moteurs d’une nouvelle dynamique
Le rapport met en lumière une tendance majeure : la croissance de l’investissement de détail. La part des actifs détenus par les clients particuliers est passée de 26 % en 2019 à 30,8 % fin 2023. Cet engouement reflète un intérêt croissant pour les marchés de capitaux, notamment à travers les fonds négociés en bourse (ETF).
Ces véhicules d’investissement passifs, qui combinent diversification et faible coût, séduisent particulièrement les ménages européens. L’investissement passif a également poursuivi son essor, atteignant 17 % de part de marché en 2023, contre 16,1 % l’année précédente.
Répartition des actifs : une montée en puissance des obligations
En 2023, les gestionnaires d’actifs ont ajusté leurs portefeuilles en faveur des obligations, devenues la catégorie de fonds la plus vendue. Cette tendance reflète une anticipation de baisses des taux d’intérêt prévues en 2024, augmentant ainsi l’attractivité de ces instruments pour les investisseurs à la recherche de rendements stables.
Pression sur les marges et coût de l’innovation
Malgré une croissance impressionnante, le secteur est confronté à une baisse continue des marges bénéficiaires. En 2023, les marges opérationnelles ont chuté à 11,1 points de base, un niveau historiquement bas depuis la crise financière de 2008.
Cette pression s’explique par des frais réduits imposés par une concurrence accrue et une augmentation des coûts, notamment dans les technologies. Les investissements technologiques, bien que cruciaux pour innover, pèsent lourdement sur la rentabilité des gestionnaires.
Préparer l’avenir
Pour relever les défis structurels et préserver son rôle central, l’industrie européenne de la gestion d’actifs a besoin d’un cadre réglementaire clair, efficace et adapté aux réalités du marché. Ce cadre doit favoriser les investissements dans les marchés de capitaux tout en supprimant les obstacles inutiles. L’objectif est de permettre aux gestionnaires d’actifs de continuer à soutenir l’économie européenne de manière compétitive, innovante et durable.
L’industrie européenne de la gestion d’actifs est à un tournant. Si la croissance des actifs et l’ascension des investisseurs particuliers ouvrent des perspectives prometteuses, la baisse des marges et l’intensification des coûts exigent une transformation structurelle.
Avec des ajustements stratégiques, une adoption accrue de la technologie et une réglementation favorable, le secteur pourra continuer à jouer un rôle de pilier dans le financement de l’économie européenne, tout en offrant des solutions adaptées aux investisseurs de demain.