La Principauté de Monaco a été inscrite sur la liste grise du Groupe d’Action Financière (GAFI) en juin 2024, en raison de lacunes persistantes dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Cette inscription, qui intervient malgré les efforts notables déployés ces dernières années, place Monaco aux côtés de pays comme le Venezuela, alors que la Turquie et la Jamaïque en sont sorties.
Une réalité accablante et des défis à relever
Lors d’une conférence de presse le 1er juillet 2024, le ministre d’État Pierre Dartout a reconnu la situation tout en soulignant les progrès significatifs salués par le GAFI. Pierre-André Chiappori, conseiller-ministre des Finances et de l’Économie, a ajouté que 80 % des insuffisances relevées par Moneyval avaient été corrigées. Monaco dispose de 18 mois, jusqu’en janvier 2026, pour combler les lacunes restantes et espérer sortir de cette liste.
L'AMSF : un nouveau pilier de la sécurité financière
L’autorité monégasque de sécurité financière (AMSF), qui a remplacé le SICCFIN, joue un rôle crucial dans ce contexte. À partir de septembre prochain, l’AMSF sera chargée des décisions de sanction concernant les infractions à la législation anti-blanchiment. Pierre Dartout a indiqué que plus de 1,4 million d’euros de sanctions financières avaient été prononcées depuis 2022, mais l’AMSF doit encore doubler ses effectifs pour être pleinement efficace.
Renforcement législatif et judiciaire
La lutte contre le blanchiment d'argent a vu d'importants développements législatifs avec l'adoption de neuf textes en seulement 16 mois, et la création d’un service de gestion des avoirs saisis et confisqués. De plus, l'infraction de présomption de blanchiment a été introduite, permettant de poursuivre des circuits financiers opaques même sans preuve explicite de blanchiment.Stéphane Thibault, procureur général de Monaco, a souligné l'importance de cette législation et les efforts pour accroître le pouvoir du procureur général en matière de suivi d’enquêtes préliminaires.
Sanctions et saisies : une surveillance accrue du GAFI
Le nombre d’enquêtes pour blanchiment a augmenté de 70 % en quatre ans, avec 277 dossiers en cours. Le GAFI surveillera de près l’évolution de ces dossiers, notamment en termes de sanctions et de saisies d'actifs. Les saisies de 2023 ont atteint une valeur de 200 millions d’euros, mais le GAFI attend que ces saisies se transforment en confiscations définitives.
Renforcement des effectifs judiciaires
Le GAFI insiste également sur la nécessité d'augmenter les effectifs judiciaires de Monaco. Pierre Dartout a expliqué que Monaco dépend en grande partie de la France pour son vivier de magistrats, mais des projets de loi en cours pourraient permettre l’intégration de nouvelles compétences juridiques dans la magistrature monégasque.
Perspectives économiques et confiance gouvernementale
Malgré ces défis, le gouvernement monégasque reste confiant quant aux répercussions économiques. Pierre Dartout a reconnu des incertitudes mais a assuré qu’aucune entreprise n’avait encore prévu de quitter la Principauté. Pierre-André Chiappori estime que la liste grise n’aura pas d’impact significatif à court terme sur la croissance de Monaco, grâce à son modèle économique solide et ses réserves constitutionnelles.
Le gouvernement minimise également les éventuels retards dans les transactions financières dus à des contrôles supplémentaires, affirmant que les banques monégasques sont préparées et qu'il n'y a pas de panique ou d'inquiétude notable.
En somme, Monaco se trouve à un carrefour crucial, devant transformer ses efforts législatifs et institutionnels en actions concrètes et dissuasives pour espérer sortir de la liste grise du GAFI dans les 18 prochains mois.