En 2024, les actifs risqués ont progressé grâce à un contexte favorable : désinflation, résilience économique et relance globale. Toutefois, avec des valorisations élevées, les marchés entament 2025 sous le signe des défis : normalisation économique, tensions sur les taux d’intérêt et incertitudes en Chine. Nina Majstorovic, Spécialiste Produits, et Raphaël Thuin, Directeur des Capital Markets Strategies chez Tikehau Investment Management, analysent les enjeux et perspectives pour l’année à venir.
En 2024, les actifs risqués ont poursuivi leur tendance à la hausse, portés par :
- La désinflation continue des deux côtés de l’Atlantique, alimentant le cycle actuel de baisse des taux d’intérêt.
- Un environnement macroéconomique qui s’est globalement avéré résilient, en particulier aux États-Unis.
- Des fondamentaux qui sont restés positifs, bien qu’en voie de normalisation.
- Des mesures de relance monétaire et budgétaire déployées dans le monde entier.
Les marchés anticipent donc un scénario idéal et les performances récentes laissent peu de marge d’erreur. Néanmoins, ce scénario pourrait être remis en cause par plusieurs facteurs.
Les facteurs clés à surveiller en 2025
Bien que les principaux facteurs de performance restent en place (stimulus monétaire et fiscal, désinflation continue, résilience macroéconomique et croissance des bénéfices jugée attractive), certaines incertitudes persistent dans des marchés à valorisations élevées.
La croissance économique face à une normalisation progressive
Les données économiques pointent vers une décélération progressive, bien que les récentes publications aient été dans l’ensemble meilleures que prévues. Si l’activité manufacturière reste confrontée à des défis à travers le globe, le secteur des services reste dans l’ensemble robuste. En parallèle, face à une inflation persistante et un marché du travail qui ralentit progressivement, les consommateurs se tournent de plus en plus vers des produits moins coûteux (phénomène de « trading down »). À ce titre, de nombreuses entreprises de consommation ont pour la plupart revu à la baisse leurs prévisions de ventes aux États-Unis[1].
En Chine, une croissance en déclin structurel
Les mesures de relance récemment adoptées par les autorités chinoises visent à sortir la Chine de son marasme économique et déflationniste et à éviter la « japonisation » de l’économie. Néanmoins, les incertitudes à long terme subsistent :
- Des problèmes structurels, tels qu’une profonde crise de confiance, des déséquilibres économiques, un effet de levier excessif et une bulle immobilière qui n’a pas été résorbée, posent encore des défis importants.
- Il n’est pas certain que les mesures monétaires axées sur les injections de liquidités ou les mesures fiscales, qui ne sont pas suffisamment détaillées à l’heure actuelle, permettront d’y remédier pleinement.
Impact du changement de régime de taux d’intérêt
La hausse des taux d’intérêt pourrait continuer à entraîner une plus grande dispersion des actifs. Du côté des entreprises, l’effet de levier excessif est synonyme de stress. Par exemple, un émetteur CCC se finance aujourd’hui à des niveaux près de trois fois supérieurs au niveau de coupon actuel, soit 14% au lieu de 5%. Une hausse de près de 10 points, susceptible d’avoir des répercussions significatives sur la structure de capital des émetteurs. Du côté des gouvernements, et en raison des niveaux élevés des déficits budgétaires, les politiques économiques adoptées pour répondre à l’endettement excessif des États joueront un rôle crucial dans la détermination du coût de la dette publique.
Trump 2.0 : « pro business » mais riche en contradictions
Les mesures fiscales de l’administration Trump demeurent les plus disruptives sur le plan économique, incluant entre autres le maintien des exonérations fiscales actées en 2017 au-delà de 2025 et de nouvelles potentielles baisses des taux d’imposition sur les sociétés visant à promouvoir la croissance. Bien que ce nouveau régime fiscal semble particulièrement porteur pour les entreprises américaines sur des secteurs cycliques, il est également perçu par les investisseurs comme un facteur pouvant alourdir davantage le déficit budgétaire déjà massif des États-Unis. De plus, les droits de douane constituent une potentielle menace pour le pouvoir d’achat des ménages, les consommateurs devant faire face à des augmentations de prix. Nous pouvons également raisonnablement imaginer que, dans le cas où les droits de douanes annoncés étaient appliqués, des répercussions importantes pour certaines entreprises notamment chinoises et, dans une moindre mesure, européennes, seraient à prévoir. Néanmoins, et compte tenu du temps nécessaire de mise en place d’une telle politique, la visibilité des marchés à cet égard reste encore limitée.
Les fondamentaux de marché demeurent positifs dans l’ensemble : l’environnement macroéconomique reste résilient en particulier aux États-Unis, le cycle de désinflation semble se poursuivre, des mesures de relance monétaire et budgétaire sont déployées dans le monde entier et les mesures fiscales de l’administration Trump accompagnées de dérégulations pourraient soutenir davantage les actifs risqués. Néanmoins, les valorisations des actifs risqués restent élevées, ce qui contribue à la volatilité de marché et à l’absence de soutien pendant les périodes de stress, pouvant créer des « trous d’airs ». En parallèle, l’économie et la consommation se normalisent et les droits de douane ainsi que les déficits budgétaires colossaux pourraient peser sur les marchés et créer de nouveaux pics de volatilité.
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[1] Bloomberg, données au 15/11/2024