“2024 a commencé sur une note optimiste, mais les espoirs d'une reprise synchronisée se sont estompés.
Différents degrés de persistance de l'inflation et de résistance du marché du travail ont conduit à une divergence de la croissance des salaires réels dans les pays développés : accélération continue au Royaume-Uni et dans la zone euro, décélération au Japon et aux États-Unis. La synchronisation ne prévaut plus que dans le redressement du cycle manufacturier, confirmé par les dernières enquêtes auprès des entreprises en Corée du Sud, à Taïwan, en Allemagne et en Suède.
Aux États-Unis, l’essoufflement du consommateur devrait être en partie compensé par la résurgence de l'investissement, stimulée par les politiques industrielles (relocalisation, décarbonation), la course à l’armement et à l'intelligence artificielle (IA). Par conséquent, un atterrissage en douceur incomplet reste notre scénario central ; une fenêtre étroite est ouverte pour deux réductions des taux de la Fed cette année. Toutefois, le ralentissement cyclique signifie que l'économie sera un handicap pour M. Biden lors de l’élection de novembre. Une victoire républicaine entraînerait des politiques de stagflation (tarifs douaniers, déportations et réductions d'impôts non financées, même si la déréglementation stimulerait la croissance potentielle).
L’embellie se confirme dans la zone euro. La désinflation due aux effets d’offre et le rattrapage différé des salaires par rapport à la période inflationniste précédente permettent à la Banque centrale européenne de réduire les taux, et ce dans une reprise naissante des exportations et de la consommation. Le virage à droite des élections européennes sera un revers pour l'agenda écologique, mais accélérera les efforts de relocalisation grâce à une politique anti-Chine renforcée.
Au Japon, les espoirs de reflation post-Covid pourraient se solder par un autre faux départ. La faiblesse du yen fera une nouvelle victime parmi les Premiers ministres japonais en septembre. La dépréciation du yen lamine le pouvoir d'achat des consommateurs dans une économie où la facture des importations de matières premières représente 10% du PIB et où les biens et services publics composent 50% du panier de l'IPC1</sup>. Seule une politique économique de yen fort est à même de créer le cercle vertueux d’une croissance tirée par la consommation. Après l'échec des interventions sur le marché cambiaire du mois de mai, la Banque du Japon pourrait opter pour une accélération de la contraction de son bilan.
L'économie chinoise continue de donner le change d’une croissance à 4% grâce aux mesures de relance à court terme, mais les moteurs des “nouvelles forces productives de qualité” donnent déjà des signes d’essoufflement : exportations sous la coupe d’un protectionnisme grandissant en Occident, saturation de l’endettement d’un secteur industriel hypertrophié. À moyen terme, la politique étrangère de Xi est tout simplement incompatible avec le modèle de développement actuel axé sur les exportations. Pire, la Chine a besoin de taux réels négatifs pour éponger ses dettes internes, mais la dévaluation du yuan qui s'ensuivrait déclencherait une nouvelle réaction protectionniste dans le reste du monde.
Au-delà de ces trajectoires nationales à horizon fin d’année, la géopolitique imprimera une marque croissante dans les destinées économiques du monde. Une nouvelle guerre froide oppose les Etats-Unis et leurs alliés à une coalition baroque regroupant Chine, Russie et Iran. Cet affrontement hybride se manifeste par une guerre commerciale et financière, doublée d’une course aux armements conventionnels et aux nouvelles technologies. Nous nous attendons à une escalade des tensions au cours du second semestre. Ce nouveau paradigme géopolitique alimente les risques de chocs d’offre inflationnistes, mais mobilise également un cycle de dépenses d'investissement dans la mesure où les lignes de front précitées révèlent toutes le besoin urgent de réindustrialisation à l’Ouest.”
Retrouvez l’article complète et la stratégie d'investissement de Kevin Thozet, membre du Comité d’Investissement, sur le site de Carmignac.