Aubin Robert (Avacore Wealth Planning) décrypte l’accélération des expatriations vers deshorizons plus attractifs fiscalement.
Quelles ont été les principales évolutions dans les motifs de départ des résidents français ces dernières années, notamment très récemment ?
Les départs de France ont fortement diminué à l’arrivée d’Emmanuel Macron en 2017. La flat tax (Prélèvement Forfaitaire Unique) de 30 % et la suppression de l’impôt sur la fortune sur les actifs financiers ont largement freiné les velléités de transfert de résidence à l’étranger. Les demandes ont substantiellement augmenté depuis les dernières élections présidentielles en 2022, et il y a un réel afflux depuis juin dernier. Cependant, toutes ces demandes ne se concrétiseront pas, car certains projets ne sont pas réalistes. On peut également observer qu'à la suite de la crise du Covid, certains candidats au départ sont moins enclins à envisager une destination lointaine.
Vous évoquez des intentions qui se transforment désormais en mandats, signe que la confiance n’est pas rétablie avec la nomination de Michel Barnier ?
Le contexte actuel n’a fait qu’accélérer des réflexions que les clients repoussaient jusqu’aux élections de 2027.
Comment les récentes modifications des régimes fiscaux en Italie ont-elles affecté la popularité de cette destination auprès des expatriés français ? Voyez-vous cela comme un obstacle majeur à long terme ?
Cela n’a certes pas envoyé un signal positif. Les interrogations concernant l’application des conventions fiscales aux forfaitaires ont pour conséquence que peu choisissent le régime du forfait. Il existe par ailleurs un régime avantageux pour les retraités qui s’installent dans le sud de l’Italie (dont la Sardaigne). Des droits de succession faibles et une convention fiscale en matière de donations et successions avec la France rendent l’Italie très attractive pour les Français.
Malgré les défis fiscaux élevés, la Suisse reste une destination prisée. Pouvez-vous expliquer ce qui, selon vous, compense ces inconvénients, surtout en termes de stabilité et de sécurité ?
Les réformes fiscales font l’objet d’une concertation et sont conçues sur le long terme. L’impôt sur le revenu, même s’il reste élevé dans certains cantons, est globalement plus faible qu’en France, et les cotisations salariales sont beaucoup moins élevées. Les plus-values mobilières sont en principe exonérées. L’impôt sur la fortune est assez élevé en Suisse romande, mais son rétablissement en France rendrait la Suisse encore plus attrayante. D’excellentes écoles et universités, la proximité géographique, un cadre de vie agréable et l’absence de barrière linguistique en Suisse romande font partie des atouts majeurs de cette destination.
En dehors des avantages fiscaux et du cadre de vie, quelles sont les infrastructures ou les politiques spécifiques de l'île Maurice qui attirent les chefs d’entreprise français à y redévelopper leurs activités ?
Depuis une vingtaine d’années, il y a une volonté politique de faire venir les étrangers, avec pour cible initiale les retraités aisés. Au cours des 10 dernières années, l’île Maurice s’est ouverte aux investisseurs et professionnels dans des secteurs ciblés comme la finance, la tech, la médecine, etc. Différents programmes permettent d’obtenir très facilement un permis de résidence. Le réseau internet et les télécommunications fonctionnent parfaitement, et on y trouve du personnel qualifié bilingue, en français et en anglais.
Le Luxembourg ou Dubaï ne figurent pas dans le top 3 de vos sollicitations. Pour quelles raisons principales ?
Le Luxembourg est surtout prisé par les habitants du nord de la France. D’une manière générale, nous recevons moins de demandes pour cette destination qu’auparavant. La recherche du soleil semble être une des explications. L’arrivée des Russes à Dubaï a engendré une augmentation des loyers et des prix de l’immobilier. Enfin, il existe une clause anti-abus dans la convention fiscale avec les Émirats, ce qui peut rendre ce déménagement inefficace sur le plan fiscal.
Aubin ROBERT dirige Avacore Wealth Planning à Genève. Titulaire du diplôme de notaire en France, d’un master 2 en Droit et gestion de patrimoine, ainsi que d’un LL.M. en Fiscalité Suisse (Tax) à Genève, il a travaillé dans des études de notaires, d’avocats, ainsi que dans des institutions financières à Genève, Paris et Londres, et bénéficie de plus de 20 ans d’expérience. Avacore Wealth Planning conseille une clientèle privée internationale sur les aspects patrimoniaux (régimes matrimoniaux, droit des successions et droit international privé) et fiscaux (impôt sur le revenu et les plus-values, impôt sur la fortune, droits de donation et de succession). Son intervention couvre notamment les situations en lien avec la France, la Suisse, l’île Maurice, Monaco, l’Italie, les USA, le Portugal, Andorre ou les Émirats arabes unis. Les principales collaborations incluent des banques, sociétés de gestion, conseillers en gestion de patrimoine, notaires, avocats ou experts-comptables, sur des problématiques internationales complexes.