Le récent Luxembourg Wealth Day Paris organisé par hubfinance réunissant Olivier Rousseau du Fonds de Réserve des Retraites (FRR), Michael Sfez fondateur de Kermony Office, Matthieu Panhard de Pulse Néo Family Office et animé par Fabrice Neyroumande de Amadéis, a offert un éclairage approfondi sur les enjeux majeurs actuels dans le monde financier. Au cœur des débats, la hausse des taux, l'intégration de l'ESG, et les investissements à impact ont été scrutés sous un nouvel angle, apportant des réflexions éclairantes sur l'avenir des marchés. Dans cet article, nous explorerons les perspectives uniques de chaque expert, dévoilant ainsi des stratégies, des opportunités et des défis qui façonnent l'évolution prochaine du paysage financier mondial.
L'ESG dans les Investissements : Perspectives et pratiques innovantes
Lors de la récente conférence réunissant des acteurs majeurs de la finance, Fabrice Neyroumande, Responsable du Développement chez Amadéis, a soulevé le voile sur les tendances émergentes en matière d'Investissements Socialement Responsables (ISR). Les discussions ont révélé que l'ESG (Environnement, Social, Gouvernance) n'est pas une nouveauté pour les investisseurs avertis.
Olivier Rousseau, à la tête du FRR, a insisté sur le fait que l'intégration de l'ESG n'est pas un phénomène récent. Il a souligné que la prise en compte des dimensions Environnementales, Sociales et de Gouvernance a toujours été un aspect crucial de la gestion d'actifs. Ces dimensions ne sont pas simplement des considérations morales mais impliquent des risques financiers concrets. Une entreprise qui néglige son impact environnemental, qui traite mal ses employés, ou qui présente une gouvernance de mauvaise qualité peut subir des pertes financières à long terme. Selon Olivier Rousseau, l'ESG n'est pas un concept à la mode mais une pratique essentielle.
Michael Sfez a ajouté une dimension pragmatique à la discussion. Il a souligné que pour les investisseurs privés, l'ESG peut parfois sembler abstrait. Il a mis en lumière le besoin de rendre les notations ESG plus tangibles et compréhensibles pour les clients privés. Michael a pointé du doigt une préoccupation fréquente des clients : le coût potentiel lié à la durabilité. Les investisseurs privés craignent souvent d'être entraînés dans des initiatives à la mode qui pourraient compromettre leur rentabilité. Il a également évoqué le défi lié à l'ESG dans le cas des entreprises disruptives nécessitant des horizons de rentabilité plus longs. Matthieu Panhard a partagé une perspective axée sur l'impact réel et insiste sur le fait que son Family Office préférait les investissements non côtés, mettant en œuvre des stratégies impact directes sur les entreprises via des business plans dédiés. Cette approche permet aux clients d'avoir un impact mesurable et d'obtenir des rapports réguliers sur l'avancement de ces initiatives. Selon lui, la clientèle privée est souvent réticente à s'engager dans des pratiques ESG par crainte que cela puisse entraîner des coûts.
Dans l'ensemble, les intervenants ont convenu que l'ESG ne doit pas être simplement une question de notation, mais doit être intégré dans la culture d'investissement et les décisions financières. Olivier Rousseau a mis en garde contre une division du monde financier entre ceux qui suivent des recommandations publiques ESG et ceux qui n'ont pas cette contrainte. Il a insisté sur la nécessité d'une réglementation plus contraignante pour aligner tous les acteurs du secteur financier sur un pied d'égalité. Les initiatives telles que le "Momentum ESG" ont été saluées comme des approches plus efficaces que les notations ESG en photographie instantanée. Il s'agit de détecter les entreprises qui s'engagent résolument et volontairement dans une démarche ESG, plutôt que de se fier uniquement aux notations qui peuvent parfois manquer de fiabilité. L'ESG émerge comme un aspect central des stratégies d'investissement, nécessitant une approche équilibrée entre notation, impact réel, et compréhension pragmatique pour les investisseurs privés. Alors que les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance continuent de façonner le paysage financier, la quête de l'ESG dans les investissements demeure une préoccupation centrale pour les acteurs de la finance.
Investissements à Impact : Redéfinir la Rentabilité avec une Approche Innovante
Au cœur des débats sur les investissements durables se trouve la question cruciale des investissements à impact. Les intervenants de la table ronde ont partagé des perspectives clés sur la manière dont cette approche émerge en tant que force perturbatrice dans le paysage financier actuel.
Matthieu Panhard a commencé par expliquer la nécessité d'une évolution des pratiques d'investissement, notamment dans un contexte de génération quantitative easing. Face à une clientèle toujours plus consciente des enjeux environnementaux et sociaux, Matthieu a fondé Pulse en 2020 avec la conviction que l'avenir des investissements réside dans des actifs décorrélés des marchés financiers traditionnels. Ils se concentrent sur des actifs réels et des litigation funds, démontrant une volonté de diversification loin des investissements conventionnels. Dans un contexte de hausse des taux, les équipes de Pulse réévaluent leur approche du private equity. Panhard a souligné l'importance de repenser les stratégies, favorisant des fonds avec des périodes d'investissement plus longues. Cette approche vise à anticiper et à atténuer les effets potentiels des mouvements brutaux du marché. L'accent mis sur les actifs décorrélés des tendances macroéconomiques s'inscrit dans une logique de long terme pour les investissements.
Ces perspectives ont été complétées par Michael Sfez, en abordant le stress actuel sur la liquidité du marché. Il soutient le fait que les apporteurs de liquidité détiennent actuellement une position de force, ce qui soulève des inquiétudes quant à la disponibilité des fonds. Sfez a exprimé une forte conviction envers le marché secondaire, en particulier dans la dette privée. Cette approche offre une visibilité accrue et une diversification précieuse dans un environnement économique incertain. Son expertise permet également de mettre en lumière des pratiques préoccupantes dans le private equity, telles que les prêts sur valeur nette d'actif. Cette tendance souligne la nécessité d'une réglementation plus stricte et de l'implication active des Limited Partners dans la prise de décision. La transparence et la régulation deviennent ainsi des piliers cruciaux pour maintenir l'intégrité du secteur et minimiser les risques liés à des pratiques potentiellement préjudiciables.
L'approche de Pulse, orientée vers des investissements non côtés et des actifs décorrélés, témoigne de la recherche constante de nouvelles voies d'investissement en phase avec les réalités émergentes du marché. Cette démarche montre l'importance d'une stratégie dynamique et de la diversification pour naviguer à travers les fluctuations du marché et offrir une stabilité à long terme.
Les débats ont clairement mis en lumière que la quête d'investissements à impact va au-delà de la simple recherche de rentabilité immédiate. Elle nécessite une vision à long terme, une compréhension approfondie des tendances émergentes, et une capacité d'adaptation face aux changements du marché financier. Les investisseurs, conscients des défis actuels, réorientent leurs stratégies pour embrasser une approche plus durable et résiliente, définissant ainsi une nouvelle ère pour les investissements à impact.
Limites des Notations ESG : Entre Fiabilité Fragile et Besoin de Régulation
Un aspect crucial de la discussion a porté sur les limites des notations ESG, soulignant les défis persistants dans l'évaluation de la durabilité des entreprises. Les intervenants ont offert des perspectives éclairantes sur la fiabilité des notations et la nécessité d'une régulation plus contraignante.
Dans un premier temps, l'intégration de l'ESG est une pratique ancienne comme le souligne Olivier Rousseau, mais il a également pointé du doigt les lacunes dans les notations actuelles. Comparant la corrélation des notations ESG à celle des notations de crédit, nous pouvons retenir un chiffre alarmant : environ 40%, par opposition à près de 98% pour les notations de crédit. Ce constat souligne la fragilité des notations ESG et le manque de fiabilité dans l'évaluation des performances environnementales, sociales et de gouvernance des entreprises. La disponibilité limitée et la qualité fragile des données ESG ont été identifiées comme des obstacles majeurs. En revanche selon Olivier Rousseau, les efforts réglementaires européens pour imposer la publication des données extrafinancières par les entreprises peuvent être salués, et il appelle également à une influence européenne plus forte dans le domaine. Il est nécessaire de regarder au-delà des notations ESG instantanées et de comprendre les implications à long terme pour garantir une évaluation plus précise et fiable selon son point de vue.
Dans un second temps, Michael Sfez a complété cette perspective en exprimant la difficulté persistante de mesurer l'ESG malgré des années d'expérience. Il a souligné que la clientèle privée a du mal à comprendre les notations ESG, soulignant la nécessité de rendre ces notations plus concrètes. La crainte des clients concernant les coûts potentiels liés à la durabilité constitue un défi supplémentaire à surmonter. Michael a par ailleurs soulevé le besoin d'initiatives venant des gestionnaires de fonds privés plutôt que des agences de notation, proposant des indicateurs économiques universels pour rendre l'impact plus tangible.
Les intervenants ont ainsi mis en évidence la nécessité pressante de revoir les méthodologies d'attribution des notations ESG et de s'orienter vers des critères plus uniformes et fiables. Alors que les réglementations européennes tracent la voie en matière de transparence des données, les appels en faveur d'une régulation plus stricte s'intensifient. La recherche d'une mesure plus précise de l'impact ESG émerge comme un enjeu clé pour guider les investisseurs vers des choix plus durables et responsables.
Dans un paysage financier en constante mutation, la nécessité d'innover devient impérative pour surmonter les défis actuels et façonner un avenir durable.
La conférence a offert une plongée fascinante dans le paysage complexe des marchés financiers, exposant les défis uniques auxquels sont confrontés les investisseurs dans un contexte de hausse des taux et d'évolution rapide des tendances ESG. Les échanges entre les experts ont mis en lumière les nuances subtiles et les décisions cruciales auxquelles sont confrontés ceux qui pilotent des fonds majeurs.
La hausse des taux, considérée par certains comme une normalisation après des années d'anomalie, a généré des réflexions approfondies sur la manière dont elle influence les décisions d'investissement. Les différentes perspectives des intervenants insistent sur l'impact sur les marchés obligataires, le marché action, et les investissements non-côtés, apportant des éclairages précieux pour les professionnels de la finance cherchant à anticiper l’avenir des marchés financiers. Les intervenants ont souligné à l'unisson que l'ESG n'est pas une tendance nouvelle, mais plutôt une dimension essentielle que les investisseurs avisés ont toujours considérée. Cependant, les défis persistent, en particulier en ce qui concerne les notations ESG. La fragilité des données, la divergence des méthodologies et le manque de fiabilité dans les notations ont été mis en lumière, incitant à une réflexion approfondie sur la manière dont l'industrie peut progresser vers une évaluation plus précise de la durabilité des entreprises. Alors que les initiatives émergent des gestionnaires de fonds privés pour rendre l'impact plus concret pour les clients, il est clair que l'industrie doit collaborer pour créer des critères plus uniformes et fiables dans l'évaluation des performances environnementales, sociales et de gouvernance.